On trouve mention de « roues à aubes » pour propulser un bateau dès le 4ème/5ème siècle dans le De rebus bellicis, un traité de guerre romain, avec l’intention de les faire animer par des bœufs:
L’idée refait surface à plusieurs reprises du 14ème siècle au 18ème siècle. Par exemple, dans le Codex Latinus Monacensis:
L’apparition de la machine à vapeur au 17ème siècle et son perfectionnement tout au long du 18ème ouvrent de nouvelles perspectives. C’est au marquis Claude François Dorothée Jouffroy d’Abbans (1751-1832) qu’on doit le premier bateau à vapeur.
Ses premiers essais ont lieu sur le Bassin de Gondé (Doubs) en 1776, avec Le Palmipède, mais celui-ci est trop peu puissant pour être exploité sur une rivière. Il poursuit ses travaux sur Lyon à partir de 1781.
Le 15 juillet 1783, Le Pyroscaphe propulse ses 46 mètres de long et ses 150 tonnes sur la Saône, entre la cathédrale Saint-Jean et l’Ile-Barbe, en 15 minutes, sous les vivats de la foule.
Subissant les jalousies de la capitale, sa demande de brevet sera refusée par l’Académie des Sciences et il ne recevra jamais la gloire qu’il méritait. Son invention révolutionnera pourtant les transports jusqu’à l’avènement du chemin de fer à partir de 1840.
Anecdotes
- C’est lors d’un séjour en prison à Cannes suite à un duel amoureux que Jouffroy d’Abbans aurait eu son idée, en regardant passer les bateaux depuis la fenêtre de sa cellule.
- Les fameux bateaux sillonnant le Mississippi sont donc des descendants de cette invention lyonnaise.
- L’Histoire a surtout retenu le nom de Robert Fulton, mais lui-même a déclaré: « Si la gloire ne devait revenir qu’à un seul homme, elle reviendrait à l’auteur des expériences menées sur la Saône à Lyon en 1783« .
- Une autre invention navale a vu le jour à Lyon: les Bateaux-Mouches, ainsi nommés car ils furent construits pour la première fois en 1860 près de Gerland, dans le quartier de… La Mouche !
- Une plaque commémorative derrière la Cathédrale Saint-Jean rappelle le point de départ du premier voyage du Pyroscaphe:
Licences
(1) voir ici
Laurent Ajdnik
Bonjour,
il faut lire le livre de G. de Nerval ; Voyage en Orient ou est mentionné le Pyroscaphe.
Bien à vous.
sandrine
Confirmation de ce que « ..nul n’est prophète en son pays. »
Mias aussi que la France n’a jamais su valoriser ses découvertes ni ses inveteurs. La carte à puce, autre invention lyonnaise n’a pu obtenir de brevet qu’à létranger d’abord. Sans parler de la frilosité maladive de nos banquiers à l’égard des « inventeurs »…
J’ai repris les lectures , toujours aussi passionnantes. On regrette que nos ancêtres n’aient pas été plus valorisés pour leurs découvertes ! Il y a vraiment du génie !
Au plaisir.
Vraiment dommage qu’il se soit fait emmener en bateau.Encore 1000 et + merci.
Bon été à toutes et tous.
Y.
On peut trouver un pyroscaphe dans la maison particulière de Nicéphore Niepce (l’inventeur de la photographie en 1804 – dont la paternité est multiple évidemment, là aussi…) à Sennecey le Grand, en Saône-et-Loire. Je l’ai même vu fonctionner dans l’étang de la propriété. Quoi de plus étonnant que de voir marcher un moteur à eau !?
Le bassin de Gondé se trouve à Baume Les Dames ( Doubs ) où ont eu lieu les premiers essais de Jouffroy d’Abbans
Et déjà, à cette époque, la capitale (et surtout quelques scientifiques valétudinaires et bornés) dictait sa loi… Quelle jolie histoire que vous nous contez là, merci !
Et que dire de Louis-Pierre Mouillard autre Lyonnais du XIXe siècle, dont l’observation ornithologique du vol des vautours du Nil au Caire qu’il décrit dans « L’empire de l’air » fait apparaitre pour la première fois le mécanisme du gauchissement permettant à ces grands voiliers ailés de se diriger en l’air sans battement. Il ne réussit pas a reproduire son mécanisme en l’appliquant aux planeurs rudimentaires qu’il avait construit, mais les frères Wright, considérant ses observations à travers la traduction qu’en fit Octave Chanute vers 1900, un français d’origine et ingénieur civil renommé aux USA, réussirent à appliquer au fameux Flyer les principes du gauchissement dans leur première application pratique en reconnaissant la paternité du lyonnais, au nez et à la barbe des français, pourtant prolifiques dans le domaine de la création aéronautique… ce ne fut que quelques années plus tard, une fois les Wright venus en Europe faire la démonstration de leur savoir-faire, que la quasi totalité des appareils adopteront ce système pendant une petite dizaine d’années avant que le principe des ailerons ne s’avère plus efficient. Pierre-Louis Mouillard, doux rêveur par ailleurs, mort dans la quasi-misère au Caire en 1897, sera portée aux nues par les ligues aériennes à partir de 1907, bizarrement lorsque faisait rage la guerre des brevets pour le gauchissement (warping en anglais) pour être remisé dans les profondeurs de l’oubli quelques années plus tard…
Merci pour les infos
Sauriez-vous si le pyroscaphe original de Jouffroy d’Abbans a été conservé ?
Cordialement
Jean-Francisque Léo
Bonjour Jean-Francisque,
A ma connaissance, non, malheureusement. 🙁
Une maquette est visible sur le site parisien du Musée National de la Marine.
Laurent
Merci Laurent
Je continue à chercher le pyroscaphe originel !
La mairie de Beaume les Dames m’a répondu, mais n’a pas d’informations à ce sujet.
Je persiste un peu, et j’ai aussi contacté le musée du coin, et envoyé un message sur un site avec le nom de Denis Bouillet, apparaissant plus haut dans les commentaires…
Je pense que Denis Bouillet faisait en fait allusion au Pyréolophore Niépce.